Nouveau : Petits collages en prose (réflexions sur l'art du collage)
Disponible dès à présent.
Petits collages en prose ( réflexions sur l'art du collage).
Septième volume de la série L'art du collage à l'aube du XXIème siècle.
FRAIS POSTAUX OFFERT JUSQU'AU 31 DECEMBRE 2013.
Prix : 25 euros .
Format du livre (comme les précédents de la même série) 21x 28 cm, 96 pages dont 36 reproductions N & B pleine page de 36 artistes différents.
L'art du collage... comme vous ne l'avez jamais lu.
Cet ouvrage est également disponible à la librairie -papeterie Rochas, 30 Boulevard de Charonne, 75020 Paris ( métro : Avron ) au prix de 25 euros TTC.
Extrait :
Introduction :
Un art peut en cacher un autre
L'autre nuit, impassible au vent d'une tempête heurtant les volets et tout autant désireux de décrocher la lune, je parcourais, parmi moult ouvrages, le récit de l'un de mes rares poètes favoris - poète tristement fort méconnu puisque difficilement accessible pour qui l'effort de lecture n'est pas synonyme d'une relecture de soi même - l'autre nuit disais-je, je parcourais un récit de Pierre Jean Jouve, comme en miroir l'éternité le fige.
Et voici que répétant sans fin une strophe de ses pensées sur l'admirable Baudelaire, je me mis à changer/métamorphoser le texte initial "faiseur de mots" en "faiseur d'images", puis "poète" par "collagiste".
Et dans ce nouvel éclairage - comme un code secret révélant la connaissance d'une nouvelle aube - de ce coup de dés - doublement naissait immanquablement la même émotion de savoir que cette hydre à deux têtes - collage & poésie - n'avait qu'une seule et même âme.
Démonstration :
« Le poète est un diseur de mots. Le diseur de mots est le poète véritable, celui qui fait rendre au langage tout ce qu'il enferme de l'âme, et non seulement la pensée décantée par la logique, mais l'autre souterraine, qui ne répond à rien. Diseur de mots est celui qui sait établir entre ces mots le potentiel d'une charge nécessaire à l'étagement de mouvements compliqués et d'épaississements graves formant la matière mentale.
Songez à un seul de vos rêves. Le diseur de mots est celui qui, dans l'extrême veille, harponne un équivalent du rêve. »
Et maintenant, mettons en scène les mots de la tribu :
« Le collagiste est un diseur d'images. Le diseur d'images est le collagiste véritable, celui qui fait rendre au collage tout ce qu'il enferme de l'âme et non seulement la pensée décantée par la logique, mais l'autre souterraine, qui ne répond à rien. Diseur d'images est celui qui sait établir entre ces images le potentiel d'une charge nécessaire à l'étagement de mouvements compliqués et d'épaississements graves formant la matière mentale.
Songez à un seul de vos rêves. Le diseur d'images est celui qui, dans l'extrême veille, harponne un équivalent du rêve. »
N'est-il pas meilleur explication de la magie de l'art du collage, que celle qui explique la magie d'un poème ?
Du collage et du XXe siècle
Comme l'histoire le démontre, le collage en tant que pratique populaire existait bien avant " l'invention " des cubistes.
Cependant, par définition, il n'aurait pas pu évoluer - puisque l'art populaire n'a pas pour objectif un but artistique - si les cubistes ne l'avaient « re-découvert » .
L'introduction du collage dans l'art au début du XXe siècle, va permettre aux artistes de développer cette technique dans tous les sens et contre-sens, et cela dans toutes les avant-gardes artistiques de ce siècle.
Le collage a envahi toutes les formes d'expressions : même s'il ne fut qu'un médium pour les cubistes, un outil pour les futuristes, une révolte pour les dadaïstes, un principe pour les surréalistes.
"Ce n'est pas l'art qui s'inspire de la vie, mais la vie qui s'inspire de l'art", disait Oscar Wilde. Fort de cette maxime le montage-collage est avant tout le mode de fonctionnement même de la pensée du XXe siècle.
Est-il pour autant une forme d'esthétisme de la discontinuité, comme le dit Nicole Tuffeli, ou une expression constante ? N'échappe-t-il pas à tout contrôle et à toute définition, puisque essayer de le définir, c'est déjà essayer de le figer, lui qui dans sa propre ambiguïté est aussi l'art de figer objets et images.
A l'heure du zapping universel, du montage et démontage permanent des images et du refus de la fixité, cette action de coller et de figer ne serait-elle devenue elle-même qu'un processus historique venu d'un autre âge ?
A l'aube du XXIe siècle, l'art du collage n'est plus une révolution picturale, ni un mode d'expression de révolte, pas plus qu'il ne saurait être seulement un art de la citation ou de l'utilisation du rebut avec pour seul but d'interrompre le processus de désintégration des éléments récupérés, collés et figés.
Comme dit Walker : « L'œuvre d'art est le produit d'une faculté productrice innée de l'imagination et de la règle. Elle vient de l'abondance comme un trop plein et non en se battant les flancs à la recherche de formes de langage par manque de contenu. »
Même si la composition dans le collage passe nécessairement par la décomposition de l'avant-collage, il ne s'agit plus pour le collagiste de coller pour coller, de fabriquer des rencontres iconoclastes pour le plaisir des rencontres iconoclastes, ni de figer pour figer, mais bien de composer.
L'heure n'est plus de s'allonger sur la table de dissection chère à Lautréamont et aux surréalistes, ou à revenir à un état dada des choses, et le collage, qui a mis jadis la peinture au défi, doit trouver sa justification non dans sa propre modernité mais dans la créativité.
Du collage et des faux combats
L'art du collage, inclassable, a toujours dérangé : "La critique compare toujours, l'incomparable lui échappe", disait Cocteau.
Si dans la première partie du XXe siècle, dans sa re-découverte, l'art du collage est subversif, il ne va pas de soi qu'il le reste. Au même titre que l'avant-garde d'hier est souvent le classicisme de demain, l'art du collage contemporain s'académise - mais sans Académie - portant en lui le paradoxe d'une reconnaissance au moins égale à sa non-reconnaissance, voir même à sa méconnaissance quasi universelle.
Mais si, comme dit Michel Ragon : "La solitude et l'inadaptation sont les deux caractéristiques de tout artiste véritable", le mythe de l'artiste maudit ou de l'art méprisé a fait long feu. Il faut passer outre aux remises en cause de toutes critiques borgnes et des apparences suggestives.
Par là-même faudrait-il - comme c'est souvent le cas - reprocher au collage de s'académiser ? La peinture s'est académisée pendant près de cinq siècles sans qu'on ait vu là matière à reproches, mais plutôt à consécration et admiration !
"L'art du collage est le cauchemar du peintre" disait Aragon, mais à présent, peu nous importent les querelles stériles et dépassées concernant la peinture et le collage : le liant pour les uns, la colle pour les autres, on ne décide pas de ce qui est un collage ou une peinture par l'expertise de la quantité de colle ou de pigments étalés sur la toile.
Etre peintre ou être collagiste est une affaire d'état d'esprit, non un degré de valeur : peindre avec un pinceau, ou faire de tout objet son pinceau, toujours la toile blanche et la page blanche comme la colle blanche donnent le même vertige à tous les créateurs. Etre artiste est un état de fait, un état d'esprit, être peintre ou collagiste est une affaire suggestive de classification professionnelle ou de spécialisation. Ce n'est pas l'instrument qui permet de créer qui est important, mais l'acte créateur en lui-même, quand l'artiste devient médium et qu'il transforme les médiums en art, vecteur de la communication d'âme à âme.
De l'art du collage et de sa particularité
Au XXe siècle, on a peint, on a collé avec tout, on a tout interrogé, les pigments, les surfaces, les objets, les images - "image" étant bien plus qu'un simple anagramme de "magie" - jusqu'à la toile même qu'on a fait disparaître ! Peut-être n'y avait-il rien à voir derrière la toile !
Etrangement, l'aube du XXe siècle a fait naître le mouvement futuriste en éloge au modernisme du monde en mouvement. Etrangement, ce monde qui était linéaire en son mouvement est devenu de nos jours discontinu et fragmentaire, et l'homme en son intérieur, sans remettre en cause le modernisme, en appelle à un retour au calme, aux sens et aux valeurs d'harmonie. Cela ne signifie pas un retour à l'esthétisme pour l'esthétisme, à une froide application des techniques artistiques.
L'artiste est passeur d'étincelles : il ne parle que pour dire, et non pour se taire. C'est en cela qu'il doit en finir sans fureur avec l'art congelé, l'art coup de poing dans la gueule pour le plaisir du coup de poing dans la gueule, l'art stéréotypé commandité par une globalisation du marché, l'art sans parole, l'art conçu pour les musées avant même sa propre conception, l'art de parade narcissique, l'art exclu des hommes dans sa propre volonté créatrice, l'art exclu de tout et de lui même .
L'art n'est pas une affaire de répétitions. Même s'il serait aisé pour un peintre ayant de la technique de refaire un Rubens quatre cents ans après, il n'en reste pas moins qu'il est quasi impossible de refaire un collage de Schwitters, par exemple, car pour cela, il faudrait retrouver le ticket original de tramway et les autres fragments de vie de l'année 1919 utilisés pour réaliser l'œuvre., Sans parler des collages des artistes qui utilisent le papier déchiré - puisque l'originalité d'une déchirure est d'être inimitable même pour celui qui a déchiré le papier - ou des affichistes, etc. Le collage reste unique, même si la colle demeure.
De la colle blanche à la magie noire
Le double "Je" du collage tient au double Jeu de l'assemblage : en utilisant les objets ou iconographies pour exprimer notre poésie, en leur donnant une nouvelle lecture, nous contribuons à l'effacement de ce qu'ils furent réellement pour en faire émerger une autre histoire qui n'est plus la leur mais la nôtre.
L'acte du collage contribue à l'effacement de leur identité, et figé par la colle, c'est le mouvement même de cet effacement qui reste figé : le collage n'immortalise que la mise à mort des iconographies qu'il emploie, et leur "ailleurs-jadis" en devenant un "ici-maintenant" perpétue la vie au travers de la mise à mort qui est le signe ultime de la preuve significative de la vie.
L'art du collage, de destruction en reconstruction, de décomposition en composition, par le déplacement d'un matériau ou d'une image dans un autre contexte, dans un autre lieu, une autre syntaxe, multiplie par ce dialogue avec l'inconnu et le hasard réfléchi tous les possibles de l'identité de ses éléments, objets ou images. En dévoilant un autre niveau de la réalité, l'art du collage et de l'assemblage, et son réseau de correspondances, qu'il soit une rencontre qui se raconte ou une rencontre qui se sent, qu'il soit situé dans l'espace ou dans le temps, est silence qui invite au dialogue.
Il est la matière de la matière à réflexion et signe comme l'enfance est un présage.
Il est le non-dit qui parle : né de la dissociation des noces de papier, il est le médium dans la main du médium.
Du collage et de la poésie
A l'aube de ce XXe siècle, le collage doit à son tour se mettre au défi. Si l'acte fondamental du collagiste est de peindre sans peinture avec les matériaux mis au rebut par son époque, s'il en est par conséquent le témoin privilégié, il ne doit pas se contenter de ce rôle qui deviendrait une manière, voire un maniérisme de l'art. Le collagiste n'est pas qu'un ferrailleur-recycleur qui donnerait aux matériaux un autre sens que leur usage social, n'est pas qu'un magicien qui redonnerait la vie aux images qui n'en ont plus, mais il est avant tout un acteur, voire même un cré-acteur.
C'est à ce titre qu'il fige sur la toile ces fragments de concepts, ces confrontations harmonieuses de réalités éloignées et ces symboles collectifs qui construisent assemblages et collages.
Or, lorsque vous regardez les collages du peintre Schwitters, ou les collages du poète Kolar, les collages du plasticien-musicien Coaquette, ou ceux du collagiste-affichiste Villeglé, un seul mot vient à l'esprit, une seule sensation vous envahit : ce n'est ni peinture ni collage ni assemblage, mais poétique de l'œuvre, poésie de l'artiste.
L'art - et non pas l'art pour l'art - quand il est matières et signes, quand il est parole et communication, quand il est un fragment du "Nous-Vous" en un autre "Je", quand il fait parler les sens et communique d'âme à âme, quand il crée l'étincelle de la vie qui est ailleurs, cet art là peut renouer avec les valeurs originelles de la poésie de la matière et des signes.
L'art du collage est avant tout poésie, il est la licence poétique du peintre comme la poésie est la licence du littérateur.