Histoire du musée Artcolle, et autres souvenirs

« C’est vers 18 ans que j’ai commencé à coller : ma passion première était – et reste toujours – la poésie. À l’époque, je possédais déjà plusieurs centaines de livres de poésie, achetant parfois des livres rares en me privant pour cela de manger pendant plusieurs jours. Comme tout passionné de poésie, j’écrivais également. Mes contes et nouvelles étaient publiés dans des revues assez prestigieuses à cette époque : Pilote, Espace-Temps, Glotenmok, etc. Mon premier recueil de poésie fut quant à lui retiré de la vente par décret du Premier ministre Raymond Barre, et c’est là mon seul point commun avec Baudelaire : lui alliait le génie poétique et subit la disgrâce de la Justice avec ses Fleurs du Mal – moi je n’ai eu qu’à subir la disgrâce de la Justice qui fit fermer ses portes à mon éditeur, lequel portait, il faut le préciser, un nom prédestiné, puisqu’il s’agissait des éditions… Damned !Mon humble poésie était sous influence mallarméenne, post-baudelairienne et pré-rimbaldienne ! Parfois il me fallait plusieurs jours pour trouver le mot juste, la tête plongée dans les pages de mon dictionnaire, sous réserve que ce mot eût une sonorité non contraire à l’harmonie du poème commencé. Je m’obligeais par passion à acheter des poètes que je n’appréciais pas à l’époque – comme Prévert – et me forçais à les lire ! Ainsi, un jour, j’achetai le recueil Fatras de Jacques où sont reproduits une centaine de ses collages. Étrangement, bien que sa poésie écrite me semblât peu harmonieuse, la poésie de ses collages me parla aussitôt, c’était le langage d’une âme complice et familière.Quelques mois plus tard, toujours pris dans un tunnel sans issue propre à l’ésotérisme d’une mallarméenne influence, je délaissai ma plume et fis un collage avec quelques images découpées dans un livre de gravures trouvé aux Puces de Montreuil. Le jeu m’amusa (ou m’abusa ?) aussitôt, comme une récréation.J’acquis alors le sentiment d’un air nouveau et d’une évidence poétique aussi éclatante qu’un message d’une lame de tarot. Et la possibilité d’écrire la poésie avec des images, de la transmettre autrement qu’avec des voyelles et des consonnes, s’imposa de plus en plus à moi au fil des nuits. Les images découpées devenaient elles-mêmes consonnes ou voyelles, verbes ou adjectifs, suivant leur agencement sur la toile. Mon écriture personnelle devenait de plus en plus lisible malgré ou grâce à l’absence de mots.Je m’aperçus alors que l’on pouvait coller un poème, comme on pouvait écrire un collage ».

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